lundi 28 décembre 2009

Chapitre II.4, troisième tableau

Vadim poussa sur ses mains pour se relever. Ses bras tremblaient de ce simple effort qui n’aurait pas dû en être un. La traction sur ses côtes lorsqu’il parvint à se remettre sur ses pieds lui arracha un grognement de douleur, de même que son soupir de dépit, provoqué par la chute d’un gros morceau de sa mauvaise armure qui se détacha de son flan pour tomber sur le sol spongieux. Le constat avait tout d’alarmant : au moins trois côtes brisées, et les perforations laissées par les crocs qui avaient manqué de peu lui arracher la moitié de la cage thoracique. Sans Nachi, il aurait été depuis longtemps mis en pièce par le Lémure. Etrangement il ne s’en souciait aucunement. Auprès du Loup d’Airain, il avait découvert ce qu’il n’avait jamais ressenti lorsqu’il partageait le sort des autres Chevaliers Noirs : l’instinct de la meute. Mourir ou survivre n’avait pas d’importance tant qu’au moins un membre de la meute pouvait poursuivre sa route.

Le Loup Noir ressembla ses forces pour invoquer une nouvelle fois son cosmos. Se concentrer encore, toujours plus, plus vite, ou plus fort, peu importait. Le Warg Affamé était un adversaire monstrueux. Jusque là, ses interventions l’avaient à peine gêné. C’était tout juste assez pour permettre à Nachi de rester dans la course. Le Chevalier d’Athéna était lui aussi dépassé. Il parvenait à faire jeu égal en rapidité, mais le Lémure était beaucoup plus puissant, et il paraissait infatigable. Les deux hommes peinaient à entretenir l’indécision de l’affrontement, et l’essoufflement ainsi que les blessures accumulées menaçaient, plus dangereusement à chaque seconde écoulée, que l’un deux reçût le coup fatal qui scellerait aussi immanquablement le sort de l’autre. Ils ne pouvaient espérer l’emporter ainsi. A moins que Vadim ne forçât le Lémure à se soucier davantage de lui.

L’instinct de la meute, la conscience commune de ce qu’éprouve chaque individu qui la compose… Nachi était encore sur la trajectoire lorsque Vadim, invoqua son arcane, sa soif de sang, sa sauvagerie débridée, cette pulsion implacable qu’il avait découvert pour la première fois quelques semaines plus tôt seulement pour venger la mort de Chadeck en égorgeant l’Ours Noir. Le Thirst’s Black Jaws déferla, porté par une énergie qui n’avait vraiment rien d’anodin…

Ça n’allait pas marcher. Parce que ça ne pouvait pas marcher. Nachi le savait pertinemment. Se servir du recul occasionné par les frappes terribles du Lémure pour se laisser tomber sur le dos, le regarder passer par-dessus lui, s’offrir une ouverture vers son ventre… C’était parfaitement faisable, mais sans espoir. Le Warg Affamé ne se protègerait pas, aucune chance. Il lui meurtrirait peut-être l’abdomen, mais dans le même temps le Lémure lui arracherait la tête. Sans même avoir été blessé sérieusement. Sauf si le Loup d’Airain lui assénait un coup autrement plus puissant que ceux qu’il lui avait destinés jusque là, s’il prenait un instant pour l’invoquer, un instant durant lequel sa gorge serait mise en charpie. Un mouvement sans espoir. Qu’il entama malgré tout, peut-être parce d’espoir il n’en avait de toute façon pas entrevu une étincelle depuis le début du combat. Peut-être parce qu’il venait de perdre brutalement la perception du cosmos de Calacirya, suivant de peu l’extinction de celui d’Ayanima, et qu’à défaut de la peine que lui interdisait l’adrénaline il ne lui restait qu’à tomber dans la folie aveugle. Ou encore parce que l’instinct de la meute lui avait soufflé quelque chose qui court-circuita sa conscience pour faire vibrer directement ses fibres nerveuses.

Le masque carnassier de la mort noire aux babines sanglantes à quelques centimètres de son visage. L’explosion d’énergie derrière lui, et le flux intense de cosmos qui fusa juste au-dessus de son crâne alors qu’il tombait en arrière. Le picotement dans ses poings et la dilatation de ses pupilles alors qu’il puisait dans sa force intérieure plus rapidement qu’il ne l’avait jamais fait. Et la frénésie du Ginger Moon’s Call.

Tous les instincts ne sont pas bons à suivre. Celui qui incita le Warg Affamé, qui se jetait sur le Loup d’Airain à terre, à lever la tête vers la sensation de menace imminente qui fondait sur lui, cet instinct là était véritablement de mauvais conseil. Car se redressant ainsi, au lieu du sommet du casque de son Alcarinquë, ce fut son visage, son cou, et le haut de son torse qu’il offrit au déferlement de Vadim. Et comme le Lémure était percuté en pleine face par la décharge d’énergie, les mains de Nachi devinrent floues en atteignant une vitesse que son propre œil était incapable de suivre, assénant une pléthore de coups d’une violence inouïe au corps à bout portant de leur adversaire. Le Warg Affamé vola au travers des arbres dans un déluge de bois mort.

Ce n’était pas fini pour autant, cela le Loup Noir et le Loup d’Airain ne le savaient que trop bien. Ils avaient flairé depuis longtemps la volonté farouche qui animait le Lémure. Une volonté qui égalait la leur. Celui-là ne se battait pas pour protéger un être cher, ni un idéal, pas mêmes sa propre existence. Il ne voulait rien prouver, pas plus qu’il n’avait quelque chose à gagner. Et cependant, quelque chose l’habitait qui dépassait la simple envie de tuer. Quelque chose qui le poussait déjà à se relever et à se ruer sur les Loups avant même qu’il ne se fût écrasé au sol.

Vadim bouillonnait. Il avait senti l’énergie de son coup se mêler un instant à l’aura de Nachi lorsqu’elle était passée au travers. Et il avait senti l’Appel de la Lune Rousse. Son sang s’était accéléré dans chacune de ses veines. Ses sens s’étaient affinés, et il percevait l’odeur de la bête blessée. Tout comme il sentait la tension avide de Nachi. Côte à côte, les deux hommes se ramassèrent sur eux-mêmes, leurs mains rasant l’herbe, dans une même attitude animale. Semblables dans leurs silhouettes autant que dans le cosmos qui pulsait autour de chacun d’eux. Rien ne vivait dans la Toungouska hormis ceux qui s’affrontaient, mais aux abords du territoire, des dizaines de museaux s’élevèrent pour lancer un hurlement à la nuit slave. « Fangs of Pack’s Union ! » crièrent le Loup d’Airain et le Loup Noir en s’élançant ensemble. Une attaque non concertée, non travaillée, le simple élan de deux combattants dans une parfaite unisson. Babines retroussées, tous crocs dehors. Des loups de cosmos assaillirent le Warg Affamé, le percutèrent, le traversèrent de part en part, devançant le terme de sa chute, le projetant toujours plus loin au milieu d’éclaboussures d’un sang noirâtre.

Nachi et Vadim étaient à bout de souffle. Cassés en deux, leurs mains étreignant leurs genoux, ils tentaient de retrouver leur rythme respiratoire, en regardant la large trouée dans la forêt au bout de laquelle devait se trouver le corps inerte du Lémure. « Alors c’est ça… articula péniblement le Loup Noir. C’est ça… être Chevalier… d’Athéna ? Ensemble… mêmes souffrances… mêmes espoirs… ?

- Idéalement, répondit Nachi avec à peine moins de difficultés. Ça arrive. Parfois. » Le Loup d’Airain, malgré l’épuisement, était étrangement serein. Cette communion qu’il venait de partager avec le Loup Noir, il ne l’avait éprouvée qu’une seule fois avant ce jour, lorsqu’il avait protégé Seika de Thanatos avec ses frères. Les choses étaient légèrement différentes aujourd’hui. Cette communion, il en était indubitablement l’initiateur. C’était lui qui avait tiré Vadim à son niveau. Il avait grandi. Pour la première fois peut-être, il ressentait une certaine fierté qu’il savait légitime. Il méritait son rang. Et il avait confiance. Leur adversaire était terrifiant, sa puissance largement supérieure à la sienne, telle un Chevalier d’Or pour un Chevalier de Bronze. Mais en dépit de cela, il en viendrait à bout. Ils le vaincraient, c’était une certitude, et son cosmos, allégé des doutes qui l’avaient si longtemps restreint, son cosmos s’élevait de lui-même, libéré du carcan d’un esprit trop faible. Il se redressa de toute sa hauteur et fit un pas en avant. « Peux-tu faire quelque chose pour moi, mon ami ? »

Vadim ne répondit pas. Il avait les yeux fixés sur le dos de son partenaire, droit comme une colonne d’airain, et sur le halo qui pulsait sur un rythme lent autour de lui, violacé, laissant s’épanouir par intermittence un nimbe doré.

« Tu vas initier un mouvement jusque là inusité pour les défenseurs du Sanctuaire. Le retour en arrière. Les cosmos d’Ayanima et de Calacirya sont presque éteints. Presque. La Chevelure de Bérénice a été formée par Andromède, elle ne franchira pas comme ça les portes de Perséphone. Et les hurlements des loups portent jusqu’aux sentiers de morts. Alors va les rejoindre, et ramène-les. Changez-moi l’Huorn en un tas de bûches et je ferai une pelisse du Warg. »

Vadim hocha la tête, il n’y avait rien à répondre. Contrairement à lui, Nachi était moins loup que chevalier à présent. Et un chevalier pouvait réussir à tuer la bête que deux animaux avaient à peine réussi à contenir. Le Loup Noir n’avait plus rien à faire là, le chef de meute avait distancé ses congénères. Il fit volte-face, et se précipita entre les mâchoires béantes qui se refermèrent sur lui avant qu’il ait seulement eu conscience de leur présence. « Bloody Shadow’s Fangs ! » Vadim entendit à peine le rugissement alors qu’il tombait dans le néant… « Vadim !!! » Il perçut à peine le cri de Nachi alors qu’au fond des ténèbres un océan de sang accueillait sa chute. Puis plus rien.

Le Lémure fit rouler du pied le corps de sa victime, révélant sa cage thoracique béant sur des organes perforés de part en part. De toutes les têtes vaguement lupines qui parsemaient la noirceur de son Alcarinquë irradiait un regard écarlate. Tout comme dans la profonde noirceur de son aura éclataient ça et là des bulles sanglantes. « Vous m’avez blessé, rauqua-t-il à l’intention de Nachi que l’horreur de son impuissance avait pétrifié sur place. La Vieille Nuit s’est penchée sur moi, elle est venue me rappeler ce qui m’attendait… » Le Warg Affamé s’ébroua, et des goûtes de sa peur atteignirent le Loup d’Airain, qui ne put se défendre de reculer tant était affreuse la perspective qu’il pût exister quelque chose capable d’inspirer un tel sentiment au Lémure. La bête reniflait, chacune de ses inspirations était plus profonde que la précédente, à chaque fois l’ombre de son aura s’enflait plus largement, et à chaque fois les cloques cramoisies éclataient plus nombreuses.

Inexplicablement, un sourire naquit sur les lèvres du Loup d’Airain. Ses pieds glissèrent sur la mousse, il écarta lentement les jambes, leva les bras, se campant dans une position combative qui pouvait aussi bien se refermer en une défense hermétique qu’être annonciatrice d’une attaque fulgurante. « Tu as un gros problème, sale clébard galeux, dit-il calmement. Je ne crains plus de ne pas être à la hauteur. Je n’ai plus peur de perdre. Tu as eu tort de t’en prendre à Vadim, il ne méritait pas de finir de la sorte. Alors je vais t’éliminer. Froidement. Parce qu’un être nuisible de ton espèce ne mérite même pas ma colère.

- M’éliminer ? gronda le Warg Affamé. Et comment espères-tu tuer un mort ? Je suis un Lémure ! Un gardien de la Vieille Nuit ! Et je vais lui offrir ta dépouille ! Carcharoth’s Insanity !!!

- Les hurlements des loups portent jusqu’aux sentiers des morts, répéta Nachi avec une conviction sans appel. Golden Eyed Wolf’s Howling. »

Deux crues d’énergies se levèrent l’une contre l’autre. La première avait l’apparence d’une bête monstrueuse d’un autre âge, au pelage de néant et au regard flamboyant d’une folie écarlate, la seconde d’un loup indigo aux yeux d’or dont le hurlement déchira l’air vers les crocs noirs qui se précipitaient sur lui. L’Alcarinquë du Warg Affamé fut lacérée de toute part par la morsure du vent sauvage qui la taillada impitoyablement jusqu’à la chair morte du Lémure. Mais la férocité qui s’était levée ne semblait pas pouvoir être arrêtée. En dépit de la puissance atteinte par Nachi, les mâchoires de la bête enfoncèrent le hurlement du Loup d’Airain pour déchiqueter sa poitrine.

Ce fut l’odeur qui ramena à la conscience le Chevalier d’Athéna. Une odeur de mort. Une puanteur infecte qui parvint à lui soulever l’estomac en dépit de la douleur intolérable qui lui vrillait la poitrine. Il ne vit d’abord que l’herbe calcinée par l’affrontement. Puis la flaque noire et poisseuse qui grossissait en coulant vers ses narines. Le sang du Lémure. Celui-ci se tenait juste au-dessus de lui, comme un nécrophage au-dessus d’une charogne. Plus sombre que le ciel nocturne sur lequel il se découpait. De sa protection saccagée coulait intarissable le fluide nauséabond qui alimentait son semblant de vie. Le Warg Affamé n’aurait pas dû pouvoir se tenir debout. Il l’était pourtant, dégageant la même férocité qu’aux premiers instants de leur rencontre. Comme s’il ne pouvait connaître que deux seuls états, animé ou inerte, comme si la force qui l’habitait ne pouvait être amoindrie par le déclin de son corps.

C’était loin d’être le cas pour Nachi. Ses limites, ils les avaient dépassées, mais il en avait atteint de nouvelles. Et celles-là se révélaient infranchissables. Un nouvel échec, plus intolérable que tous ceux qu’il avait déjà subi. Car cette fois ce n’était pas sa volonté qui lui faisait défaut. Il voulait se lever malgré sa douleur, il voulait combattre malgré sa faiblesse. Mais son corps, lui, ne voulait simplement pas répondre. Une légende se désagrégeait et le confrontait impitoyablement à son impuissance : si la volonté permettait d’accomplir des miracles, il fallait de la force pour s’en servir de levier et soulever des montagnes. La volonté seule était inutile, et de force, Nachi n’en avait plus aucune.

Il se retrouva debout pourtant, le Lémure l’avait saisi, broyant le col de son armure en le forçant à se redresser sur ses pieds. Le Warg Affamé le huma, de si près que le Loup d’Airain put sentir les lèvres exsangues frôler son cou. « Je voulais offrir ta tête à la Vieille Nuit, gargouilla la bête alors qu’un flot noirâtre s’échappait de sa bouche. Mais à présent il y a pire pour toi. Tu entends ? Le silence… ta défaite… »

En fait de silence, Nachi avait la tête pleines des cris de douleur de ses os brisés, ses chairs déchirées, qu’il faisait tout pour ne pas écouter. Mais les mots du Lémure l’écartèrent de ces plaintes muettes, le forçant à reprendre conscience de son environnement depuis longtemps étréci aux limites de son corps. Le Lémure disait vrai : le silence régnait autour d’eux. Les percussions, les litanies impies qu’ils avaient poursuivies dans la Toungouska jusqu’à se qu’ils fussent intercepté par l’Huorn Aigri avaient disparu.

« Oui, c’est fini, sanctionna implacable le Warg Affamé en voyant la compréhension passer dans les yeux du protecteur d’Athéna. Ta défaite était déjà consommée avant l’issue de ce combat. Le rituel est terminé, Ithaqua est libre désormais. Tu vas rester ainsi, debout, incapable de faire un geste, et tu seras le premier à être englouti par l’avidité du Wendigo… »


Un rire retentit comme un jappement entre les arbres. Nachi l’aperçut par-dessus l’épaule du Lémure qui avait fait volte-face, ravivant les rivières de sang noir qui coulaient partout où les crocs d’airain avaient transpercé son Alcarinquë : un loup bleu aux yeux d’or, assis négligemment, une jambe ballante, sur le tronc d’un arbre mort à demi couché.

« Tu veux parler de la danse de ces déchets en fourrure ? railla l’intrus d’un voix rauque, animale. Tu n’aurais pas dû leur faire confiance… Indignes d’êtres hommes, encore moins d’être bêtes… ils méritaient tout juste la peine que je me suis donnée à les égorger. Ce silence, c’est juste celui de la terre qui se repait de leur sang.

- Tu as brisé le rituel ? » gronda le Lémure alors que sur son poitrail s’écartaient les mâchoires de la gueule la plus monstrueuse ornant son armure, celle d’une créature mi fauve mi canine, démesurée de férocité. Son aura s’épancha brutalement, noire comme son sang, saturée de bouillonnements écarlates pareils à son regard démoniaque.

« Ce n’est plus ton souci, grinça le loup bleu. Wolf’s Cruelty Fangs ! »

Nachi ouvrit désespérément la bouche mais aucun son n’arriva jusqu’à sa gorge. Il aurait fallu le prévenir cet allié inespéré sur l’identité duquel il n’avait même pas la force de s’interroger… Le prévenir que l’horreur cosmique du Warg Affamé ne pouvait être vaincue de front, le prévenir qu’une armure d’or n’aurait pas protégé de ces crocs là, le prévenir que l’instinct du Lémure au corps à corps… Mais en même temps qu’il ressentait toute la détresse de son impuissance, le Loup d’Airain fut saisi par un grand froid qui l’envahit par chacune de ses blessures. Son esprit s’éclaircit, se réveilla l’instinct de la meute, rattrapant ce qui avait été trop rapide pour ses sens engourdis… le saphir bleu, les yeux et les crocs d’or, ces piétinements si agiles, si véloces qu’il était presque impossible de croire à un homme seul, et cet obstination impitoyable, ce harcèlement incessant, la pluie de coups qui suivit le premier arcane trop franc pour avoir été autre chose qu’une diversion, et l’aura immaculée, cinglante, qui bien qu’au plus fort de la frénésie parvenait à préparer un nouveau jaillissement… « Nothern Wolf Pack’s Bite ! »

Il n’aurait pu dire combien de temps s’était écoulé lorsqu’il revint à lui. Il ne vit d’abord que le ciel nocturne, et les étoiles dont toute malignité avait déserté le scintillement. Quelque chose d’incroyablement doux tomba sur sa joue, et fondit, sensation éphémère, immédiatement éclipsée par les élancements de son corps meurtri. Dans un effort terrible, il tira sur sa nuque pour basculer sa tête en arrière. Il le revit alors, silhouette bleue dans la nuit, crinière argentée, regard rouge débarrassé de sa visière… « Lève-toi ! le tança sèchement le Guerrier Divin. Si les dragons se relèvent tant qu’il y a quelqu’un à sauver il n’est pas question qu’un loup reste à terre ! »

mercredi 23 décembre 2009

Les Tourmentés : MaJ

Le quatrième volet des Tourmentés a rejoint son recueil, rendez-vous dans la section concernée, et joyeux noël à toutes et tous ^^.

samedi 5 décembre 2009

Chapitre II.4, second tableau



« Est-ce la peur qui racornit tes burnes de taurillon, ou les grandes gens des terres ensoleillées ont-ils si peu de fougue qu’ils tolèrent le viol de leur demeure ? » La voix grondante et méprisante du Baphomet rebondit longuement entre les innombrables colonnes du temple du Taureau avant de s’estomper, sans rien récolter du jeune colosse campé au milieu de la grande salle. Andram ne bronchait pas, et ne bougea pas davantage lorsque l’ancien roi des Dvergar fit faire un moulinet à son labrys, projetant un courant d’air cinglant comme une lame qui vint percuter les bras croisés sur la poitrine du Chevalier d’Or. Durin esquissa un sourire dans sa barbe de rouille, d’acier et d’argent, en reposant son arme en travers de ses épaules. Il fallait un bon adversaire pour faire un bon combat, et celui-là paraissait meilleur qu’à première vue. Les grands costauds dans son genre se révélaient trop souvent décevants. Puissants certes, mais avec des veines trop longues pour que leur sang parvînt à irriguer en même temps leurs poings et leur cervelle. Les Nains n’avaient pas ce problème, pas même Durin qui était l’un des plus grands d’entre eux. Il était aussi fort que le plus fort des géants, tout en ayant la tête assez près du sol pour ne pas risquer de voir sa raison s’envoler sous le coup de l’excitation. Même en cet instant où son lourd manteau en plumes de corbeau se soulevait, gonflé par l’envie d’en découdre. Son Alcarinquë, vibrait, tintait presque du souvenir du marteau qui l’avait forgée dans l’attente des chocs plus graves qu’elle était destinée à encaisser.

Mais l’affrontement se faisait attendre. De guerre lasse, Durin déplaça à nouveau sa hache pour la planter devant lui, callée entre ses cuisses, avant de sortir une pierre à affûter pour commencer à la passer et la repasser avec application sur le double tranchant. Une caresse, presque sensuelle, bien loin de ce que l’on pouvait attendre de ces doigts boudinés. Dramborleg se mit à chanter sous les soins de son maître, d’une vibration cristalline qui prouvait si besoin était à quel point son fil était aigu malgré l’impressionnante lourdeur qu’elle dégageait par ailleurs.

« Bel ouvrage » concéda placidement Andram qui ne semblait pas décidé à profiter de la situation pour lancer son assaut.

« Onc n’en a vu de pareil depuis la chute des Dvergar, renifla Durin sans interrompre son geste. S’il est quelque orgueil dans le port de ta coquille d’or, il fera long feu sous l’acier forgé en Nidavellir.

- De l’orgueil ? répéta Andram comme s’il se posait sincèrement la question. Non, je ne crois pas. Je ne suis que le Taureau de cette ère, ni le dernier, ni le premier. J’en retire de la satisfaction, mais pas de fierté il me semble.

- Décidément, l’indigence de ces temps me révulse la tripaille. Quelle médiocrité que le cœur qui n’éprouve aucune fierté pour la charge qui lui a échu.

- Je ne trouve pas, rétorqua le Taureau se départir de sa placidité. Je n’ai pas changé pour devenir chevalier. Je suis le même qu’avant, je n’ai pas forcé ma nature. Je ne vois pas en quoi je devrais me féliciter de faire aujourd’hui, et ce dont j’avais envie, et ce dont j’étais capable. » Andram décroisa ses bras pour poser une main sous son menton, l’autre sur sa nuque, et faire craquer ses cervicales. « Et puis jusqu’à aujourd’hui, on ne peut pas dire que j’ai eu à faire quoi que ce soit pour m’illustrer dans mes fonctions.

- Un jour pour la gloire, ou un jour pour la déchéance. Ta chance est venue taurillon, mais quel peu d’empressement tu montres à la saisir. Cependant, je ne saurais te blâmer pour ne point avoir trop d’espoir.

- Je ne sais pas, vous ne paraissez pas non plus particulièrement pressé de m’attaquer.

- Toi moins encore alors que je foule ton seuil, alors que ceux qui m’accompagnaient l’ont déjà dépassé.

- Je n’ai pas à m’en faire du moment que vous ne passez pas. Je ne vais pas me précipiter alors que le temps joue pour moi.

- Le temps est une catin qui s’offre inconsidérément à ceux qui la convoite. Peut-être ne le crains-tu pas mais le temps est également mon allié.

- Vraiment ? » Un sourire plus enjoué rehaussa la bonhommie d’Andram, dont les yeux vairons se voilèrent un instant pour aller chercher la confirmation de ce qu’il venait de ressentir. « Il n’en a pas l’air. Vos acolytes viennent seulement de franchir le temple des Gémeaux, et vous pouvez manifestement en compter déjà deux de moins.

- Je n’en ferais point gloriole à ta place, deux Lémures pour un Chevalier d’Or…

- Et vous feriez erreur, Eressëa n’est pas au Sanctuaire, le temple des Gémeaux était vide.

- Vide ? répéta le Baphomet surpris en levant un sourcil broussailleux.

- Si le pouvoir d’un chevalier absent suffit à venir à bout des vôtres, cette petite incursion tournera court d’ici peu. La seule menace ici c’est vous, il me suffit de patienter un peu et tout le Sanctuaire sera bientôt en mesure de se consacrer pleinement à votre petite personne.

- Ce qui ne serait que plus promptement advenu si nous étions demeurés ensemble. Patiente donc si cela t’agrée, plus longtemps se balancent les haches des Dvergar, plus lourds sont les coups qu’ils portent lorsque leur heure est venue… »

Le Chevalier du Taureau haussa un sourcil en se massant la nuque au travers de ses boucles cendrées. Il avait une vision très simple des choses et hésitait rarement dans sa conduite au point qu’il n’avait jamais réellement l’impression d’avoir à faire un choix. Aussi se sentait-il un peu déconcerté quand un manque de visibilité l’amenait à tergiverser. Les choses auraient dû être claires en la situation présente. L’adversaire était connu, ses hommes de main également. Les péripéties du Sagittaire à Asgard avaient prouvé que les Lémures étaient des adversaires dangereux, mais parfaitement négociables pour peu qu’on ne les mésestimât. Andram aurait dû se sentir tranquille. Sauf que certains des intérêts du Baphomet semblaient coïncider avec les leurs, et ça, c’était difficilement acceptable. Le Chevalier du Taureau connaissait toutefois un moyen très simple de se sortir d’un questionnement existentiel… « Pourquoi tenez-vous à ce que votre tentative d’invasion n’avorte que le plus tard possible alors que vous semblez en avoir accepté l’échec ? » : demander la réponse au principal intéressé.

« Alors toi tu ne manques pas de souffle ! s’exclama le Baphomet avec un grand éclat de rire. Compterais-tu réellement sur moi pour éclairer ta lanterne ?

- Je ne perds rien à demander en tout cas.

- Pas moins que je ne gagnerais à te répondre.

- Dans le cadre d’un enjeu peut-être ? »

Songeur, le Dvergr fourragea dan sa barbe tressée pour se gratter le menton. « Un pari ? Si je venais à être défait ta question n’aurait plus lieu d’être, et mort tu ne pourrais plus entendre la réponse.

- Une charge, une seule, proposa Andram en levant un doigt. Celui qui tombe a perdu. Si vous tombez vous répondez, si je tombe je vous laisse passer et je ne chercherai pas à vous rattraper. »

Après un instant de réflexion, Durin s’avança lentement pour venir se planter tête levée sous les naseaux du Taureau. Derrière les lunettes de son casque cornu luisaient d’excitation ses yeux aux iris de feu et aux pupilles de glace. « Tu es plus redoutable que tu en as l’air, Taureau. Mettre aussi simplement le doigt sur une de mes faiblesses… »

Eris se mit à pleurer à chaudes larmes. Cela arrivait souvent lorsque deux hommes qui avaient tout ce qu’il fallait pour s’étriper se serraient la main, et se la relâchaient sans avoir cherché à tirer avantage de cette emprise. Ils reculèrent, Durin jusqu’à l’orée et Andram jusqu’à l’issue du temple du Taureau.

Le Baphomet fléchit sur sa jambe avant comme s’il était sur le point de s’élancer, tout le poids de son corps porté au-devant de lui, seulement maintenu dans un équilibre précaire par le poids de son arme qu’il tendait en arrière à bout de bras. Un air glacial gonfla les plumes noires de son manteau en les recouvrant de givre, des runes d’argent s’illuminèrent sur chacune des parties de son armure, et le cimier de son casque s’embrasa en une langue de flammes bleues. Une pulsation sourde envahit le temple, pareille aux échos d’une forge lointaine où de lourds marteaux s’abattaient inlassablement sur d’impressionnantes enclumes.

Un autre son lui répondit. Un grondement à peine audible, celui de la pression croissante d’une famille de geysers sur le point d’être expulsés par des naseaux frémissants d’impatience. Andram avait posé ses deux mains sur les dalles de son temple, la corne unique de son casque pointant devant lui dans la promesse d’une charge furieuse. Le cosmos doré bouillonnait autour de lui et éclatait en grosses bulles gorgées d’énergie. Ce ne fut pas un taureau qui apparut au cœur de son aura, mais un troupeau entier dont tous les sabots raclaient le marbre.

« Serait-ce de la joie qui fait luire ainsi tes prunelles ? s’enquit Durin alors que les siennes scintillaient d’un égal contentement.

- C’en est, admit volontiers Andram. C’est la première fois que je vais pouvoir utiliser cet arcane au maximum de sa puissance, sans me retenir en prévision d’une éventuelle contre-attaque. Je sais que vous ne chercherez pas à l’esquiver.

- Quel être peut agir de façon aussi téméraire et pouvoir se targuer d’un esprit aussi lucide… Non jeune taurillon, quoi que me laisser déborder jusqu’à ce que tu offres ton flanc à ma hache soit assurément la meilleure stratégie à employer, je t’affronterai de face ainsi que tu l’espères. Mais content, ne le soit pas, car dès lors que j’ai accepté ton défi, la seule alternative qu’il me reste est d’arrêter ta charge en te pourfendant le crâne.

- Tout comme je ne peux espérer vous faire tomber sans vous encorner.

- Que l’un soit et que l’autre ne soit plus. Viens au roi des Dvergar, Taureau ! Dramborleg’s Sentence !!

- Frappe, Durin ! Pulvérisons l’incertitude et décidons d’un vainqueur ! Release of Géryon’s Wealth !! »

La déflagration était grave trop pour être perçue par une oreille humaine sans qu’elle y laissât son tympan. Au reste, aucune n’était sur la trajectoire de l’onde de choc qui se propagea perpendiculairement à la charge du Baphomet et du Chevalier d’Or. Elle atomisa silencieusement les murs latéraux du temple du Taureau pour survoler l’île du Sanctuaire et aller se perdre loin au-dessus de la Méditerranée. Mais si les personnes présentes sur la Colline Sacrée demeurèrent sourdes à l’impact, elles n’auraient pu manquer le tremblement naissant de la montagne ébranlée à sa base, ni l’embrasement de la seconde maison qui déchira la nuit d’une colonne de lumière montant jusqu’aux astres.



« Et un de moins, ricana l’un des cinq Lémures qui s’étaient arrêtés sur le perron derrière le temples des Gémeaux. Tout compte fait, il se pourrait que l’utilité de ce foutu nain ne se limitait pas à la création des Alcarinquë.

- Sûr, renifla un second. D’un coup je me sens un peu moins réticent d’avoir à servir un être aussi court sur pattes. Le Baphomet n’est rien face à Lucifer ou Moloch, mais il vient de prouver…

- Prouver ? Souvenir d’homme, mauvais esprit, qu’est-ce que le Baphomet pourrait bien avoir à prouver à ton insignifiance ? » Les cinq Lémures rentrèrent la tête entre leurs épaules, trop soumis pour seulement regretter de l’être. Celle qui les menait, encapuchonnée de son manteau ténébreux, ne souffrait pas la contestation. Son vouloir était leur volonté, ses décisions leur avenir. Peut-être était-ce là ce qu’en avait décidé Bélial lorsqu’il l’avait éveillée elle ainsi que ses trois semblables pour les diriger. A ceux-là seulement le Non-Mort avait rendu leurs noms ainsi que leurs émotions, alors que les cœurs des Lémures étaient demeurés froids, se contentant de battre pour irriguer leurs nouveaux corps sans jamais ralentir ni accélérer leurs pulsations. Ou bien n’était-ce pas le pouvoir du Non-Mort mais la raison pour laquelle il les avait choisi, eux les quatre Liches, les faiseurs de peur, capables de saisir jusqu’au vide des Lémures…

« Ce n’est pas fini, déclara la Liche. La hache du Baphomet est encore levée. Nous ne l’attendrons pas. Poursuivez, ainsi l’a-t-il ordonné, et ne vous retournez plus, ainsi je l’ordonne. »

Le cadavre de la quiétude libéra une nouvelle nuée de miasmes. Bourdonnante. Nauséeuse. Le calcaire des marches dégoulinait d’immondice, d’une traînée cosmique qui transportait moins la vastitude de l’univers que la poisse crasse de son apostasie.

L’ignoble attendait l’ignoble. Le temple du Cancer et ses hautes portes noires, que les Lémures, y trouvant peut-être quelque vague familiarité dans leur aspect sinistre, se donnèrent la peine de pousser sans les réduire en miettes. Ils dépassèrent la dalle scellée de l’étoile à cinq branches, pénétrèrent au plus profond de l’intimité du temple sans avoir rencontré plus d’opposition que celle de l’oppressant silence. La sortie était devant eux, au terme du couloir qui s’ouvrait sous le gigantesque orgue d’ébène et d’argent.

« Personne ici non plus, ricana l’un des Lémures. Et cette fois pas moyen de se perdre en route.

- Probablement pas » dit la Liche qui gardait l’ombre de sa capuche levée vers les visages hurlant silencieusement sur les tubes de l’orgue. « Et pourtant… Toi reste avec moi, vous quatre partez devant vous offrir la peau du Lion. Les ombres ici sont trop épaisses pour que rien ne s’en soit enveloppé. Allez. »

Le dernier Lémure à souiller le temple du Cancer sourit sous son casque, une laideur de grisaille chargée de quatre énormes yeux noirs aux multiples facettes. Sa mentonnière s’écarta en quatre mandibules métalliques qui s’entrechoquèrent en une série de petits claquements avides. « Vous savez qu’ils n’iront pas plus loin n’est-ce pas ? Je dirais qu’ils ne tiendront même pas aussi longtemps que ceux qui sont tombés à Asgard. Trois d’entre eux au moins. Mais peut-être que ce sera malgré tout suffisant pour que le Caladre Corrompu en tire avantage… J’ai été surpris que vous m’ayez choisi plutôt que lui pour vous assister ici, je sais que ses talents ont votre préférence parmi tous ceux de l’Armée des Fléaux.

- Il ne t’appartient pas de me juger, Lémure, répondit sèchement la Liche. Ni mes actes ni mes choix. Vous n’êtes rien, seulement des moyens mis à ma disposition pour que je parvienne à mes fins. Sers-moi car ton existence n’a pas d’autre but. On dit que nulle charogne en puissance n’échappe à l’Essaim de la Dégénérescence, c’est le moment de le prouver.

- Ne vous en faites pas pour ça. Lémure je suis, Lémure je ne resterai pas. Je vous servirai si bien que Bélial me rendra mon nom. Et alors ce sera à vous de trembler devant moi. » Le cosmos jaillit de son corps en sombres particules bourdonnantes. A chaque seconde plus nombreuses, elles s’envolèrent pour saturer l’air de leur vibration insidieuse. Les mouches de cosmos explorèrent les moindres recoins du temple, avant d’intensifier leur vrombissement strident en se regroupant au-dessus de la dalle scellée. « Là » fit laconiquement l’Essaim de la Dégénérescence en pointant l’endroit du doigt.

« Bien, acquiesça la Liche. Prouvons à cet impudent que ceux qui ont brisé les geôles du Tartare n’ont que faire de l’ancienne marque d’Hadès. » De longs doigts blafards aux ongles noirs et acérés sortirent de l’ombre du manteau pour esquisser une série de signes rapides. « Replica. » Une étoile à cinq branches enfermée dans un cercle apparut au-dessus de la dalle, un sceau de ténèbres en parfaite reproduction du sceau d’argent. « Revocation. » La marque invoquée descendit se plaquer à celle incrustée dans la pierre. Et la lumière trembla, luttant contre les ombres, jusqu’à ce qu’un voile doré apparût et se soulevât pour dissoudre le conflit.

L’Essaim de la Dégénérescence croisa les bras et inclina la tête de coté en observant l’apparition. « Vous, lâcha-t-il finalement. Et dans une armure d’or. Voila bien ce qu’il y a de pire à être devenu Lémure, impossible de savourer cet instant comme il se doit. Mais c’est l’intention qui compte après tout, sachez que si j’étais capable de la moindre émotion, j’exulterais de vous retrouver ainsi, Majesté Pandore. »


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vendredi 27 novembre 2009

Chapitre II.4, premier tableau



Le Sanctuaire Marin n’était pas un lieu totalement féérique, loin s’en fallait. Chacune de ses régions recélait un lieu de désolation, comme l’incohésion des Bermudes dans l’Atlantique Nord, ou le gouffre de Charybde dans Pacifique Sud. Mais aucun n’était plus lugubre que les Lits des Noyés, ce cimetière fangeux de l’Atlantique Sud, quelques part dans les profondeurs sous le pot-au-noir. Aucune route maritime ne passait par là, et aucun Marina ne s’en approchait jamais. L’auraient-ils voulu qu’ils en auraient été incapables. On ne pouvait se rendre aux Lits de Noyés, on ne pouvait que s’y perdre, à moins d’y avoir été appelé par l’Ange des Noyés en personne, et c’était un appel que chacun priait pour ne jamais entendre. Même eux s’y étaient rendus à contre cœur, et pourtant sans délais, car ils savaient que des deux demeures où siégeait Mar-nu-Falmar, de ces champs funèbres et de la pyramide de corail rose, l’une était pareille à son visage et l’autre semblable à son âme.

Ainsi était venu Rauros de Scylla, six fois craint et une fois déploré, au beau visage albuginé et androgyne paré de longues boucles de jais, dans son écaille d’or blanc rehaussé de malachites, des flans de laquelle jaillissaient les gueules de serpentine de ses molosses.

Angfauglir de Céto avait investi les lieux de sa masse énorme et adipeuse, sa face turgide fendue par son éternel rictus carnassier, engoncé dans son écaille d’or gris, de citrine et de nacre comme un cachalot carapacé de plaques épineuses et boursoufflées.

Et sans le masque micronésien qui couvrait ordinairement sa face ichtyoïde, ses yeux globuleux, ses oreilles aussi collées que des ouïes, sa bouche charnue et étirée, exsangue et muqueux d’une façon qui laissait bien peu espérer que l’or rouge serti de cyanites et de viridines pût en faire oublier la laideur ne fût-ce qu’un instant, Dagnir de Dagon les avait rejoints, empreint du dégoût qu’éprouvait immanquablement quiconque s’aventurant dans les limbes brumeuses du Pacifique Nord.

Avec une patience inégalement supportée, tous trois attendaient en le fixant que l’Ange des Noyés voulût bien leur exposer les raisons de son appel. La suffisance de l’atlante avait beau les exaspérer, ils ne se seraient jamais aventurés à la contrarier. Mar-nu-Falmar était l’homme lige de l’Amiral Sorrent et celui par qui les écailles qui les protégeaient avaient retrouvé leur gloire d’antan. Commandant tout comme eux, entre tous ses secrets il avait su garder celui de sa puissance, et nul n’aurait pu se targuer de savoir jusqu’où celle-ci s’étendait. Rauros faisait frémir par son apparente douceur à la mesure de la cruauté dont on le savait pouvoir faire preuve, Angfauglir était craint pour sa force brute, et Dagnir pour l’étrange laideur de son cosmos qui s’accordait de façon si dérangeante avec celle de son repoussant visage. Mar-nu-Falmar, lui, l’était pour le mystère qui l’entourait, et cette appréhension là ne pouvait se raisonner.

L’Ange des Noyés finit par détourner son regard du vaste champ d’algues constellé de dépressions fangeuses qui exhalaient un vague relent de putrescence. « Poséidon ne bougera pas, affirma-t-il aux trois Commandants. » Le ton était aussi désenchanté qu’écœuré, et un miroitement blafard passait sur son écaille séraphique.

L’imposant Commandant de l’Océan Indien lâcha un gargouillement atrabilaire avant de laisser échapper sa hargne. « Pas bouger ? Comment il pourrait pas bouger ?! Athéna chez nous, avec une poignée de trouffions, et la moitié de moules, ça se rate pas une occasion comme ça !

- Le fait est… siffla l’inquiétant et séduisant Rauros de sa voix singulièrement suave et chuintante. Pourquoi l’Ebranleur du Sol laisserait passer la chance de mener à bien la guerre qu’il n’avait pu qu’incomplètement diriger il y a quinze ans ? Parce que c’est Athéna qui l’a libéré pour mendier son aide ?

- Et après ? gronda de nouveau Angfauglir. Parce qu’elle est conne faudrait plus y toucher ? Moi je dis si la chouette tourne bécasse c’est une raison en plus qu’il faut l’embrocher et la passer au saloir ! »

Mar-nu-Falmar posa un regard dédaigneux sur le Commandant de l’Océan Indien. La force brute de Céto en faisait un allié qu’il valait mieux ménager, mais les manières grossières d’Angfauglir ne manquaient jamais de froisser d’une façon détestable le raffinement de l’atlante. « Et cependant il en est ainsi, reprit-il en ravalant son mépris. A cause d’un détail que vous ignorez : Julian Solo, l’hôte humain de l’Empereur des Océans pour cette génération, n’est plus.

- Mort ? releva surpris le Commandant du Pacifique Sud. Voilà qui est inattendu… Même assoupie, la volonté de l’Ebranleur du Sol aurait dû protéger son avatar humain. Cette mort ne peut pas être le fait du hasard.

- Sans aucun doute » acquiesça l’Ange des Noyés qui supportait infiniment mieux l’intelligence de l’envoûtant Rauros que la rudesse obtuse d’Angfauglir. « Julian Solo n’a pu qu’être assassiné, et certainement pas par un être inconsistant. Soit Athéna a jugé plus sage de se débarrasser de l’enveloppe charnelle de Poséidon, soit un fou a pris quelques précautions en prévoyant effectivement de s’introduire dans le Sanctuaire Marin.

- Et c’est pour entendre ça qu’on s’est fait gardien des poiscailles… maugréa l’héritier de Céto. Pas reluisant le Vieux de la Mer s’il ose même pas empaler une pucelle sur son propre terrain.
- Les Dieux sont limités par leur nature, répliqua sèchement Mar-nu-Falmar. Pour agir au-delà de l’élément qui leur a été attribué ils doivent se réincarner et s’approprier le libre arbitre des humains. Sans corps, Poséidon en est réduit à jouer avec la température de l’eau et l’amplitude des marrées. Même si la situation nous est favorable, l’Ebranleur du Sol ne pourrait en profiter, à moins d’avoirs recours à son corps originel.

- Et alors où est le problème ? grogna de nouveau Angfauglir.

- Il ne le fera pas, professa Rauros, devançant l’Ange des Noyés dont il ne connaissait que trop bien les limites de la patience. Encore moins depuis la disparition d’Hadès. Poséidon a déjà encaissé de nombreuses défaites, une chance qu’il laisse s’échapper ne lui importera pas beaucoup plus. En revanche il craint de disparaître, comme tous les Dieux. Si un jour il a recours à son corps originel, ce sera lors d’une guerre définitive qu’il aura planifiée longtemps à l’avance. Certainement pas à l’improviste pour profiter de circonstances favorables. Athéna a beau être à sa portée, il ne lèvera pas la main sur elle.

- Lui non, intervint sobrement l’inquiétant Dagnir. »

Les autres Commandants se retournèrent vers l’héritier de Dagon. De lui ils savaient presque aussi peu de choses que de Mar-nu-Falmar, sinon que l’affronter revenait à mettre en jeu sa santé mentale presque plus encore que physique. Hormis l’Amiral Sorrent et l’Ange des Noyés, personne d’étranger au Pacifique Nord ne s’était jamais aventuré au cœur de ses limbes. Les Marinas de l’Arctique et du Pacifique Sud se gardaient bien d’en dépasser les frontières. Quelques égarés s’y étaient perdus, quelques uns en étaient revenus, mais ils y avaient laissé leur raison. Jusqu’à Achab et Ned Land, les deux Capitaines sous les ordres directs de Dagnir, qui tout en passant pour des combattants valeureux avaient également la réputation de ne plus être totalement sains d’esprit.

Debout dans la fange abyssale où il s’enfonçait jusqu’aux chevilles sans dégoût apparent, Dagnir se tenait au bord d’une des grandes marres d’algues qui formaient les Lits des Noyés, et il contemplait avec une attention malsaine les visages, à peine visibles au travers du fucus vésiculeux, des cadavres que l’océan avait refusé de rendre à la terre. Les émanations virides se reflétaient sur sa face de mérou dépigmentée, et les bourrelets de son cou pulsaient au rythme lent d’une étrange exaltation difficilement contenue. « La tempérance de Poséidon ne devrait pas suffire à garantir la sécurité d’Athéna en ces lieux, reprit il en laissant échapper l’un des gargouillis qui lui tenait lieu de rire.

- Quoi, on devrait… réagit Angfauglir qui connaissait régulièrement quelques éclairs de lucidité lorsqu’il était question d’un mauvais coup en puissance.

- Précisément, acquiesça Mar-nu-Falmar. En agissant seuls nous dédouanerions Poséidon de toute responsabilité. Athéna ne pourra le lui reprocher.

- L’Amiral… commença Rauros avec une moue dubitative.

- Sorrent est les yeux, les oreilles et la voix de Poséidon, l’interrompit l’Ange des Noyés. Ce qu’il fait engage directement la responsabilité du Dieux des Océans. Si nous le lui demandons, il n’aurait d’autre choix que de nous refuser son accord. Et Bauglir du Kraken lui est dévoué corps et âme, l’engager à nous rejoindre équivaudrait à impliquer Sorrent.

- Et le Léviathan ? s’enquit Rauros. Son absence ici signifierait-elle que lui aussi vous compteriez le tenir à l’écart ? A moins que vous n’ayez déjà partagé vos projets avec votre disciple préféré ?

- Ëarendil n’est pas sûr. »

Une vague de perplexité glissa sur les Lits des Noyés. L’héritier de Scylla se tourna vers le sud, scrutant l’horizon de son regard émeraude comme s’il avait pu le prolonger jusqu’à l’Antarctique et scruter son chaos de glaces et d’abîmes, jusqu’à la haute tour de basalte qui servait de repère à la bête reptilienne, plus bardée d’épines, de griffes et de crocs que nulle autre créature océanique, et dont tous s’employaient à entretenir la quiétude. Tel était le pouvoir du Léviathan dont personne pourtant n’avait jamais provoqué le courroux, mais dont tous connaissait néanmoins l’ampleur destructrice, car c’était une appréhension qu’ils portaient en eux de la même façon que leur allégeance à l’Ebranleur du Sol. Une emprise que Rauros avait longuement enviée avant d’acquérir une prestance similaire, celle des êtres qui n’ont pas à exhiber leur excellence pour asseoir leur ascendance. Scylla était ainsi également. On ne pouvait lui faire face et surveiller en même temps ses flans. Sa menace était imprévisible, assujettie à la Volonté de Scylla à qui seule appartenait le choix de l’instant où cristalliser les craintes. Et plus que tous les précédents gardiens du Pacifique Sud, le beau, l’intelligent Rauros savait se montrer judicieux dans ses décisions.

Lentement, il écarta une boucle d’un noir brillant qui avait occulté son regard, en reportant celui-ci sur l’Ange des Noyés. « Je ne suis pas certain de comprendre. En quoi ne serait-il pas sûr le Commandant de l’Antarctique, celui que vous avez formé vous-même, le plus puissant des serviteurs de Poséidon selon vous ? Le Léviathan est le Cerbère des océans, il ne sait que mordre ceux qui l’approchent et lécher les doigts de son maître, les vôtres en l’occurrence. Il écoutera ce que vous avez envie qu’il entende. Je suis même persuadé qu’il aurait tué Solo si vous lui aviez dit que c’était dans l’intérêt de Poséidon.

- Ce cher Rauros, sourit Mar-nu-Falmar, toujours à se laisser emporter par son imagination. Non mon ami, le décès de Julian Solo est bien antérieur à la venue d’Athéna, il s’en faut de deux ans, et ni moi ni Ëarendil n’y sommes pour quelque chose. Mais il y a du vrai dans tes paroles, le Comandant de l’Antarctique tuerait n’importe qui aveuglément. » Le visage si beau et délicat de l’atlante se crispa, et les rides haineuses altérèrent tant sa grâce naturelle qu’il en devint un instant aussi repoussant que l’héritier de Dagon. Celait n’arrivait jamais que rarement, fugitivement, mais c’était assez pour rappeler à tous ceux qui en aurait douté que sa délicate apparence n’était qu’un très incomplet reflet de sa personnalité. « N’importe qui, reprit-il en ayant maîtrisé sa colère intérieure, sauf sa propre sœur. Et c’est là ce qui nous coûte son appui. Ëarendil n’est pas sûr parce qu’Ëarramë n’est pas fiable. Trop indépendante, trop fouinarde, trop circonspecte… La Commandant de l’Atlantique Nord ne suit pas un ordre sans le juger, et si elle considérait nos projets comme contraires à son devoir, elle n’hésiterait pas à s’opposer à nous.

- Qu’elle essaie ! rugit Angfauglir en levant un poing embrasé de son cosmos ambré. Elle fera pas long feu la dragone, je pourrais lui briser l’échine entre deux doigts !

- Oh tu le pourrais certainement… susurra Rauros, si tu ne claquais pas des dents à l’idée de ce que tu subirais en retour entre les mâchoires du Léviathan… »

Le colossal Commandant de l’Océan Indien bondit vers Scylla dans un hurlement sauvage pour lui arracher la tête. Il ne s’immobilisa qu’à la dernière seconde, ses mains sur le cou de l’androgyne, qui pourtant n’avait pas bronché ni même cessé de sourire. Rauros savait reconnaître le geste inachevé avant même qu’il ait débuté. Rauros savait tout. Angfauglir écarta les mains en éclatant d’un rire pervers et guttural. « J’ai pas peur de lui ! Céto n’a peur de personne, et certainement pas de cet iguane léthargique !

- Alors Ëarramë doit mourir, trancha Dagnir.

- Répète-moi ça ? demanda calmement le Commandant de Scylla.

- Si Ëarramë meurt au Sanctuaire ou de la main d’un des leurs, s’expliqua le Commandant de Dagon, alors la bête des abysses ouvrira la gueule et rien ne pourra l’empêcher de faire un carnage. Cette guerre que Poséidon ne peut déclencher, qui nous ferait passer pour des traîtres si nous la menions sans son accord, cette guerre arrivera malgré tout, et ce sera la vengeance du Léviathan.

- Tu condamnerais l’un des sept Commandants de Poséidon pour en jeter un autre dans la folie ? reprit l’androgyne, dont l’éternel sang froid faisait douter du moindre étonnement qui aurait pu motiver ses questions.

- Nous n’aurions qu’à le soutenir comme le feraient de véritables frères d’armes, et Poséidon n’y serait pour rien. Il restera neutre, et Athéna tombera malgré tout… »

La sentence fut saluée d’un lent applaudissement. « J’ai toujours su quel être fourbe et machiavélique se cachait sous les écailles de Dagon, déclara Mar-nu-Falmar. Ta laideur n’est rien comparée à la perfidie de ton cœur, Dagnir, si tant est que tu en aies un. Et c’est bien ainsi, car les véritables serviteurs de l’Ebranleur du Sol n’ont que faire de la droiture quand elle ne leur permet pas de s’élever au-dessus du statut dans lequel ils végètent depuis des siècles. Ton avis est celui que nous suivrons : Ëarramë doit être sacrifiée sur l’autel de Poséidon.

- Mouais, renifla Angfauglir… Enfin aux dernières nouvelles Sorrent l’avait pas envoyée au Sanctuaire la dragone ? J’aurais rien contre lui ouvrir le bide, mais le faire là-bas et en douce, c’est pas gagné.

- Fiez-vous à moi, gloussa gravement Dagnir. Les jours de la Commandant de l’Atlantique Nord sont comptés, je ferai ce qu’il faut pour ça.

- Nous fier à toi ? releva le protégé de Scylla. Certes non. Mais je ferai une exception pour ce qui est de fomenter un assassinat. Pour ça je pense effectivement pouvoir te faire confiance. »

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dimanche 12 juillet 2009

Yeee Ha, fini !


Bon non pas tout à fait fini, mais le plus gros morceau est fait quand même. Je viens de terminer de transférer la totalité des chapitres de l'acte I sur le blog, épilogue compris. Tous proprement représentés au format pdf, et avec des notes re-complétées, principalement sur les éléments de mythologies diverses que j'avais empruntés ça et là sans soucis des connaissances du lecteur.

Enfin, il reste d'autres petites choses à faire passer ici, mais c'est moins important, je vais pouvoir respirer un peu et sortir de mon antre passer dire bonjours aux personnes que j'ai délaissées depuis deux semaines ^^...

lundi 29 juin 2009

Sanctuaire Nordique


Voici un listing des personnages du Dernier Retour affiliés au Royaume d'Asgard. Ne sont répertoriés que ceux qui ont fait une apparition suffisamment significative pour que je leur donne un nom. Lorsque ce nom fait allusion à une référence précise, celle-ci est indiquée entre parenthèse (Tlk. pour Tolkien).


Dirigeants

Flamme* de Polaris : Reine d'Asgard
Hilda de Polaris : Grande Prêtresse d'Odin


Élus Divins (attachés à Flamme)

Oilossë (Tlk. "Neige Toujours Blanche") : Elu Divin d'Odin
Beren (Tlk. compagnon de Luthien) : Elu Divin de Tyr
Mablung (Tlk. "Main Lourde") : Elu Divin de Thor
Sulimo (Tlk. "Celui qui Respire") : Elu Divin de Freyr
Varda (Tlk. "l'Exaltée") : Elue Divin de Freya
Umarth (Tlk. "Mauvais Sort") : Elu Divin de Hoder
Laurelin (Tlk. "Chant d'Or") : Elu Divin de Balder
Palentir (Tlk. "Qui Voit Loin") : Elu Divin de Heimdall


Guerriers Divins (attachés à Hilda)

Siegfried : Guerrier Divin de Dubhe
Hagen : Guerrier Divin de Merak
Thol* : Guerrier Divin de Phecda
Leshy (Myth. slave, esprit sylvain) : Guerrier Divin de Megrez
Fenril* : Guerrier Divin d'Alioth
Sid : Guerrier Divin de Mizar
Bud : Guerrier Divin d'Alcor
Mime : Guerrier Divin de Benetnash

* ces orthographes ont été préférées à Thor et Fenrir dans l'unique but d'éviter les confusions avec leurs référents mythologiques, d'autant plus qu'il y a un Elu de Thor, de même que le prénom Flamme a été préféré pour éviter les télescopages avec l'Elue de Freya.

Sanctuaire Océanique


Voici un listing des personnages du Dernier Retour affiliés au Sanctuaire de Poséidon. Ne sont répertoriés que ceux qui ont fait une apparition suffisamment significative pour que je leur donne un nom. Lorsque ce nom fait allusion à une référence précise, celle-ci est indiquée entre parenthèse (Tlk. pour Tolkien). Suivent le monstre ou l'animal protecteur (l'équivalent des constellations pour les chevaliers d'Athéna), et le nom du domaine sous leur garde, océan ou courant océanique.


Dirigeant

Sorente : Sirène, Amiral du Sanctuaire Océanique


Commandants des Océans

Mar-nu-Falmar (Tlk. "Pays sous les Vagues") : Ange des Noyés, Atlantique Sud
Eärramë (Tlk. "Aile de Mer") : Dragon des Mers, Atlantique Nord
Bauglir (Tlk. "Contraignant") : Kraken, Arctique
Dagnir (Tlk. "Tourmenteur") : Dagon, Pacifique Nord
Rauros (Tlk. "Grondement d'Ecume") : Scylla, Pacifique Sud
Anfauglir (Tlk. "Mâchoire de la Soif") : Céto, Indien
Eärendil (Tlk. "Qui Aime la Mer") : Léviathan, Antarctique


Capitaines des Courants

Davy Jones (Ref. Pirates des Caraïbes) : Vaisseau Fantôme, Brésil
Gilliat (Ref. Les Travailleurs de la Mer) : Raie, Benguela
Santiago (Ref. Le Vieil Homme et la Mer) : Marlin, Gulf Stream
Roi (Ref. Le K) : Crabe, Canaries
Herlock (Ref. Captain Herlock) : Euryphayinx, Kuro-Shivo
Flint (Ref. L'Île au Trésor) : Murène, Californie
Achab (Ref. Moby Dick) : Cachalot, Ouest-autralien
Ned Land (Ref. 20'000 Lieues sous les mers) : Calmar, Humboldt
Sinbad (Ref. Les Mille et Une Nuits) : Bénitier, Aiguilles
Thétis : Corail, Est-australien
Sullivan (Ref. Jonathan Livingston le Goéland) : Narval
Pym (Ref. Les Aventures d'Arthur Gordon Pym) : Cyanée, Circumpolaire Antarctique


mardi 23 juin 2009

Mais euuuh...


Je suis en train de me retaper un à un tous les premiers chapitres du DR pour les passer au format pdf en uniformisant leurs apparences, et putain c'est long ! +__________+

Heureusement que les premiers chapitres étaient courts. Par contre, le style... C'est pas la cata complète mais quand-même. Je ne le remanie pas, c'est une oeuvre ludique, alors j'assume. Et puis une plume qui évolue c'est plutôt bon signe. Alors je me contente de les retoucher à peine, remettre en forme les dialogues c'est déjà pas mal, changer un mot par ci par là, virer les coquilles, et bidouiller les trucs qui sont devenus incohérents pas la suite. Et intégration des notes dans le même fichier en fin de chapitre.

Ce qui m'a bien fait plaisir par contre c'est de voir comment j'avais réussi dès le début à gérer le gros mystère de l'acte I en prévision de sa résolution 12 chapitres plus tard, tous ces petits détails disséminés qui trouvent leur explication à posteriori. Ca c'était cooool XD !

Autres plumes


Voici une présentation succincte de cinq fanfictions par cinq auteurs différents. Il y a de forte chances que vous les connaissiez déjà, mais si ce n'est pas le cas, je ne saurais trop vous conseiller de vous pencher dessus. Disons qu'il s'agit de mon top five du moment...

Une Deuxième Chance : ou UDC, par Alaiya. A la fois mon auteur favori et ma fanfiction préférée, de loin et à plus d'un titre. UDC est une histoire que l'on qualifiera faute de mieux d'alternative, au sens où elle reprend les personnages du manga, l'organisation du sanctuaire, et en élude presque totalement les évènements ainsi que les éléments divins. L'ensemble tourne autour des chevaliers d'or, qui sont d'ailleurs bien plus présentés comme des êtres humains que comme des individus aux facultées exceptionnelles. L'adversité à laquelle ils vont être confrontés est une des plus originales qui soit, mais au final, c'est bien plus entre eux et contre eux-mêmes que se débattent les personnages. C'est excellemment bien écrit, sur un ton réaliste, vibrant de sincérité de part toutes les émotions qui sont implacablement rendues. L'univers originel en devient presque anecdotique, tant l'on s'attache aux personnages pour eux-mêmes en les voyant se débattre au milieu de leurs rancoeurs qu'ils vont devoir apprendre à dépasser.
Une plume excellente et une histoire haletante. Fanfic terminée (à 1 ou 2 chapitres près)

L'Emergence des Géants : ou EdG, par Black Dragon. C'est la fanfiction que je trouve la plus intelligemment et la plus astucieusement écrite. Il s'agit d'une préquelle au manga, qui part d'une génération précédant celle que nous connaissons, et raconte les évènements passés jusqu'à la prise de pouvoir de Saga. Entre autres choses, l'auteur s'attarde à traquer les incohérences existant entre les différents suports, manga, DA, films... et articule son propos de telle façon que ces incohérences disparaissent. L'EdG reprend également ce qui a fait le succès de la série, des combats épiques empreints de mythologie. Et là encore l'auteur enrichit ces éléments par une utilisation ingénieuse des capacités des personnages, et en étendant son univers à d'autres mythologies, en particulier à celles qui sont rarement exploitées dans le fandom, comme les mythologies mésopotamienne et aztèque. Le tout d'une façon originale et parfaitement maîtrisée.
Une plume ingénieuse et une histoire captivante. Fanfic terminée.

La Trilogie de Gaïa : par Alwaïd. Si l'on devait réduire le talent d'un auteur à la beauté de son style, je placerais Alwaïd au-dessus d'Alaiya. Son écriture est la plus belle que j'aie rencontrée dans toutes mes lectures sur le net. C'est juste beau au point que cela seul mériterait qu'on le lise. L'histoire se déroule durant la réincarnation suivante d'Athéna, soit deux cent cinquante ans après le manga. On y trouve un peu de réflexion sur l'origine des guerres saintes, et surtout beaucoup d'amour. L'amour de la terre, l'amour d'une déesse, l'amour de soi, l'amour des autres... et l'amour de l'auteur incontestablement. C'est une histoire qui a été écrite avec passion et cette passion coule entre les lignes. Je suis loin d'avoir fini de lire la trilogie, par manque de temps, d'autant moins qu'elle fait partie de ce genre d'histoire que l'on aime à conserver pour les moments de calme qui nous permettent de la savourer pleinement. Mais je garde préciseusement son existence en tête, et celle-ci ne cesse de m'appeler à venir m'y replonger.
Une plume magnifique et une histoire ensorcelante. Fanfic terminée.

Les Âges Mythologiques : ou AM, par Ludoxandros. Cette fiction résulte des anciennes parties de JdR qu'a masterisées l'auteur durant plusieurs années. Ne vous y trompez pas, il ne s'agit pas d'un simple collage de notes et de souvenirs, mais la narration d'une vraie histoire qui s'est construite au fil de ces parties. Cela fait des AM une fic à part dans le fandom, et soyons honnête, il s'agit plus d'héroïc-fantasy à tendance Saint Seiya que de StS à tendance H-F. Et c'est bien là ce qui fait son charme. Comme son nom l'indique, l'histoire se déroule dans tes temps particulièrement reculés, à une époque où l'institution du sanctuaire est en pleine création. Au travers de quêtes multiples, des guerriers découvrent peu à peu leur destin, celui d'être des serviteurs d'Odin et d'Athéna. Là encore, j'en ai commencé tardivement la lecture et celle-ci n'est guère avancée, mais j'ai été totalement séduit parce tout ce que j'ai découvert à ce jour.
Une plume héroïque et une histoire trépidante. Fanfic en cours.

L'Ere des deux Béliers : ou Ed2B, par Chibi-Mu. Une histoire qui a un grand mérite, celui de la simplicité dans le meilleur sens du terme. Un style plein d'humilité qui permet d'entrer dans le récit avec une grande facilité, ce qui ne signifie pas qu'il n'y ait aucune recherche ou que l'écriture laisse à désirer, bien au contraire. Et c'est d'autant plus profitable aux personnes qui comme moi manquent de temps, et doivent mettre régulièrement leurs lectures de coté pour y revenir plus tard. Préquelle au manga, l'histoire commence avec la naissance de Mu. A travers sa vie, sa formation et les yeux d'un Pope croulant sous les responsabilités, elle imagine et raconte l'évolution du sanctuaire et des personnes qui le composent depuis cette époque jusqu'à celle que l'on connaît. Une autre de mes lectures en cours, la plus espacée de toutes sans doute, mais aussi celle qui souffre le moins de mes interruptions.
Une plume rafraîchissante et une histoire délassante. Fanfic en cours.

lundi 22 juin 2009

Les Absents


Shiryu, l'Âme Ecorchée

Les Conjurateurs


Eosphoros / Lucifer



Kochtcheï Bessmertnyï / Belial

Les Saints d'Or


Elerinna du Cancer



Narya du Lion



Belthil du Sagittaire



Laer du Scorpion

Les Lémures


Lémure de la Flamme d'Udûn


Les Saints d'Argent


Vicius de Persée



Neithan d'Orion



Jyll de la Croix du Sud

Rémanences


Rémanences est un recueil de nouvelles fantastiques, inspirées par mes lectures des grands noms du genre, Lovecraft biensûr, mais également Derleth, Machen et bien d'autres. Ce sont des oeuvres beaucoup plus spontanées que travaillées. Des oeuvres de jeunesse, pleines d'imperfections et de naïveté. Je ne les ai jamais retouchées, elles ont été écrites sous l'impulsion du moment, et je les aime ainsi, parce qu'elles me touchent encore dans leur caractère imparfait. Des originaux intacts, vierges de toute tentative d'amélioration qui aurait altéré leur émotionnalité.


Le Trépas (1993) : Ma toute première tentative dans l'art délicat de la nouvelle, elle s'inspire essentiellement d'un été passé sur le Mont St Michel, et du Horla de Maupassant... enfin, avant de partir totalement en vrille.
Elle est restée en suspen pendant un an et demi après le premier chapitre. Jusqu'à ce qu'un copain pour plaisanter ouvre le fichier, en suprime quelques dizaines de lignes à gauche à droite, et fasse semblant d'enregistrer avant de refermer word. A ceci près que cette andouille de première s'est foiré et a vraiment enregistré sa connerie. Et bien sûr, pas d'autres copies existantes du Trépas. Ca m'a tellement énervé qu'après m'être assuré qu'il respirait encore suite à mon mouvement d'humeur immédiat, j'ai réécrit tous les passages tronqués, j'ai bouclé la nouvelle, et j'en ai pondu une autre derrière. Juju, mon inestimable boulet, sois en finalement remercié...

L'Ombre des Sphynxs (1993) : Ma seconde nouvelle donc, celle qui a été écrite immédiatement après la fin du Trépas. Entre temps j'avais appris que lorsqu'on bosse sur PC il vaut mieux avoir des copies de tout dans tous les coins (surtout quand on se complait dans le voisinage de ceux qui associent adroitement crétinisme et maladresse ^^), qu'à moins de s'appeler Proust enchaîner les phrases d'une demie douzaine de lignes n'est pas vraiment conseillé, et qu'à défaut d'avoir un plan sur papier il vaut mieux avoir une idée assez nette de ce qu'on veut écrire pour espérer retomber sur ses pieds à la fin.
Après Maupassant je suis passé à celui qui devait devenir l'un de mes auteurs fétiches, à savoir Howard Phillips Lovecraft. L'Ombre des Sphynxs est une sorte de remake de The Haunter of the Dark (Celui qui Hantait les Ténèbres). Sans reprendre véritablement la nouvelle de Lovecraft, mon écrit s'appuie sur des rouages similaires, sans doute en raison de mon manque d'expérience dans ce genre d'exercice. La trame ne reflète pas une originalité démentielle, les émotions s'appuient sur des moyens un peu faciles, l'essentiel ayant été pour moi de recoller du mieux que je pouvais à l'ambiance de l'oeuvre de Lovecraft. Avec le recul, je dirais que ça ne casse pas des briques mais que je ne m'en suis pas trop mal tiré

Laissez se Retirer la Mer (1995) : Ma mieux que j'aime le plus bien ^^. Nan sans rire, c'est sans doute celle de mes nouvelles à laquelle je suis le plus attaché, tout simplement parce qu'elle me met autant en vrac quand je la relis que quand je l'ai écrite. Autant que je m'en souvienne, elle m'a été plus ou moins inspirée par The Deep Ones (Ceux des Profondeurs) de James Wade, l'un des nombreux auteurs ayant repris les mythes de Lovecraft.
C'est en écrivant Laissez se Retirer la Mer que j'ai compris qu'on pouvait décliner à l'infini les nuances de l'horreur dans une nouvelle fantastique. Ici je l'ai associée à la tristesse et à l'amertume. Des sentiments qui m'avaient beaucoup marqué quand j'étais môme et que j'écoutais la version livre-cassette du Vieil Homme et la Mer d'Hemingway racontée par Arnaud Bédouet (pas réussi à la retrouver dans le commerce mais j'ai toujours les bonnes vieilles cassettes et suis encore limite à chialer quand je les réécoute). Enfin voilà, toujours est-il que ma petite nouvelle sans prétention, même maintenant elle me retourne le ventre jusqu'à la luette...

Le Seuil Emmuré (1996) : Je l'aime bien celle-là aussi, pas forcément pour les mêmes raisons que la précédente. Disons que je suis assez fier de la façon dont je l'ai construite. Le Seuil Emmuré reprend un grand nombre d'éléments classique dans l'oeuvre de Lovecraft. Déjà la forme, comme un certain nombre de ses nouvelles, celle-ci s'articule autour d'une simple conversation, entre un chercheur réputé et un autre plus mystérieux mais d'avantage averti. Elle joue sur une certaine ambiguïté en s'appuyant sur des références culturelles et historiques totalement véridiques qui contrebalancent presque équitablement la partie fictive. Ajoutez à cela le thème de l'Egypte souvent repris par Lovecraft et un crescendo très progressif dans la révélation du fantastique, et vous obtenez une composition qui est presque un classique du genre. Ben voilà, le Seuil Emmuré c'est ça et c'est pour ça que j'en suis très content même si cette nouvelle pêche un peu du coté du style.

La Verte Concupiscence (1998) : Ma dernière nouvelle, sans doute la plus aboutie du point de vue du schéma narratif. Elle se voulait le contrepoids du Seuil Emmuré, qui lui mêlait horreur et réalisme, en proposant une association de l'imaginaire et du fantastique. La Verte Concupiscence est le résultat de trois sources d'inspiration, dont la plus claire est la nouvelle de The Green Meadow (la Verte Prairie) de Theobalt Jr. et Berkeley. Les deux autres reposent sur de très vagues souvenirs, l'un autour d'une nouvelle de Poe ou d'Hitchcock dont le titre m'échappe aujourd'hui, mettant en scène des naufragés qui mangeaient des champignons avant de se désagréger eux-mêmes en d'autres champignons, l'autre de fugitives images aperçues quand j'étais gosse d'un film dont je n'ai jamais connu le titre, avec une femme terrifiée par une simple couleur qu'elle avait vue sur les murs d'un puits.
La Verte Concupiscence reprend elle aussi beaucoup d'éléments classiques de la prose de Lovecraft : le genre épistolaire, la lettre servant de prétexte à une confession, ainsi que l'évocation de "livres noirs" fictifs ou réels et la confusion rêve/réalité. Et toujours ce glissement progressif qui part de la simple curiosité vis à vis de quelque chose d'étrange pour tomber peu à peu dans l'horreur insoutenable.

Sanctuaire Terrestre


Voici un listing des personnages du Dernier Retour affiliés au Sanctuaire d'Athéna. Ne sont répertoriés que ceux qui ont fait une apparition suffisamment significative pour que je leur donne un nom. Lorsque ce nom fait allusion à une référence précise, celle-ci est indiquée entre parenthèse (Tlk. pour Tolkien). Sont aussi notés le numéro du premier chapitre où chaque personnage fait son apparition, et le cas échéant, le numéro de celui au-delà duquel il ne faut pas trop espérer le revoir.


Dirigeants

Gorthol
(Tlk. "Heaume de Terreur") : Grand Pope, chp. 2 -> ¤

Seiya : Protecteur d'Azur, chap. 1 -> ¤
Ikki : Protecteur d'Ambre, chap. 1 -> ¤
Shun : Protecteur d'Opale, chap. 6 -> ¤
Hyoga : Protecteur de Cristal, chap. 5 -> ¤


Chevaliers d'Or

Kirth/Kiki (Tlk. "Runes") : Bélier, chap. 2 -> ¤
Andram (Tlk. "Grand Mur") : Taureau, chap. 4 -> ¤
Eressëa (Tlk. "Solitaire") : Gémeaux, chap. 7 -> ¤
Elerinna (Tlk. "Couronnée d'Etoiles") : Cancer, chap. 7 -> ¤
Narya (Tlk. un des trois anneaux elfiques majeurs) : Lion, chap. ¤ -> ¤
Shaka : Vierge, ch. 2 -> ¤
Annatar (Tlk. "Dispensateur") : Balance, ch. 5 -> ¤
Laer (Tlk. "Chant") : Scorpion, chap. 5 -> ¤
Belthil (Tlk. "Eclat Divin") : Sagittaire, chap. 7 -> ¤
Haudh (Tlk. "Tertre") : Capricorne, chap. 5 -> ¤
Isil (Tlk. la lune) : Verseau, chap. 6 -> ¤
Sirion (Tlk. un fleuve) : Poissons, chap. 5 -> ¤


Chevaliers d'Ithildin

Marine : Aigle, chap. 4 -> ¤
Shaina : Serpentaire, chap. 4 -> ¤


Chevaliers d'Argent

Neithan (Tlk. "Dépossédé") : Orion, chap. 1 -> ¤
Vicious (Ref. Comboy Bebop) : Persée, chap. 1 -> ¤
Naâr : Autel, chap. 6 -> ¤
Calacirya (Tlk. "Passage de Lumière) : Ch. de Bérénice, chap. 6 -> ¤
Cuivénen (Tlk. "Eau de l'Eveil") : Argo, chap. 5 -> ¤
Jyll (Ref. Enki Bilal) : Croix du Sud, chap. 5 -> ¤
Elwing (Tlk. "Pluie d'Etoiles") : Eridan, chap. 4 -> ¤
Yama : Coupe, chap. 1 -> ¤
Pelor (Tlk. "Hauteur qui Protège") : Hercule, chap. 4 -> ¤
Cassandra : Ecu, chap. 4 -> ¤


Chevaliers d'Airain

Geki : Ours, chap. 7 -> ¤
Ban : Petit Lion, chap. 7 -> ¤
June : Caméléon, chap. 11 -> ¤
Nachi : Loup, chap. 11 -> ¤
Jabu : Licorne, chap. 11 -> ¤
Ichi : Hydre Femelle, chap. 11 -> ¤


Chevaliers d'Airain

Dinen (Tlk. "Silence") : Dragon, chap. 3 -> ¤
Saül : Bouvier, chap. 7 -> ¤
Ayanima : Lynx, chap. 7 -> ¤
Tursiops (Zoo. espèce de dauphin) : Dauphin, chap. 7 -> ¤
Sixie : Renard, chap. 7 -> ¤
Toval : Oiseau de Paradis, chap. 7 -> ¤
Taïpan (Zoo. espèce de serpent) : Serpent, chap. 7 -> ¤


Chevaliers Noirs

Tisha : Cassiopée, chap. 7 -> 11
Fayssal : Horloge, chap. 7 -> 10
Vadim : Loup, chap. 7 -> ¤
Chadek : Ecureuil, chap. 7 -> 09
Heirani : Aigle, chap. 10 -> 10


Autres

Fëanor (Tlk. "Esprit de Feu") : Ch. du Dragon d'Ebène, chap. 1 -> ¤
Nedjeth : Capitaine des Gardiens de l'Olivier, chap. 5 -> ¤
Anduril (Tlk. "Flamme de l'Ouest") : Gardienne de l'Olivier, chap. 4 -> ¤
Warren Aldwyn Wildmarth : (Sextant), Conservateur de l'Université Miskatonic d'Arkham, chap. II.3 -> ¤

Le(s) Myte(s) de Lovecraft

 



Plusieurs lecteurs m’ont fait part d’une légère appréhension, celle de décrocher de l’intrigue quand j’aborderai les Grands Anciens dans la mesure où ils ne sont pas familiers de l’œuvre de Lovecraft. Alors pour eux, et bien plus encore pour ceux qui auraient des connaissances plus ou moins poussées sur cet univers, et qui au détour d’un paragraphe seraient frappés par une question du genre « keski déblatère l’inculte ?! » je me suis décidé par le biais de ce modeste article à répondre à quelques questions.

Le but ici est moins d’apporter un éclaircissement authentique du Mythe que d’annoncer Mon ressenti du Mythe. Tant il est vrai, et c’est sans doute la seule certitude avérée, que la vision unique de l’univers de Lovecraft s’est perdue depuis longtemps, si tant est qu’elle ait jamais existée.

D’ailleurs, Lovecraft lui-même n’a jamais été un adepte forcené de la cohérence. D’une nouvelle à une autre, certains aspects du Mythe peuvent apparaître de façon contradictoire. Chose à quoi il répondait qu’une telle cohérence n’aurait eu pour conséquence que rationaliser les Grands Anciens, alors que son absence au contraire participe au coté incognissible et inaccessible de ces entités. Un simple diagramme aurait suffi pour établir une hiérarchie claire et précise, mais il ne l’a jamais fait. Tout au plus les a-t-il classifiés en fonction de leurs natures, mais ces natures n’étant pas franchement définies, même ce type de regroupement apparaît comme incertain. Du reste les termes Grands Anciens, Autres Dieux, Dieux Plus Anciens, et Dieux Extérieurs, ne semblent pas systématiquement attachés aux mêmes groupes suivant les écrits, encore que je ne sache pas à quel point la traduction en français n’est pas responsable de cette ambiguïté.

Et c’est cette ambiguïté qui est en partie responsable du succès qu’a connu le Mythe, chaque auteur le réutilisant pouvant se l’approprier en lui conférant une forme de cohérence, absente dans la plume de Lovecraft, et ce sans que les autres auteurs soient obligés d’adhérer à cette cohérence.

De surcroît, à l’inverse de Saint Seiya où il existe des partisans du purisme selon lequel les seuls éléments véridiques de l’univers sont ceux contenus dans le Kurumanga, il n’existe même pas un univers premier des Grands Anciens. Car au moment où Lovecraft commence à écrire, il est de son propre aveu, déjà profondément marqué par des auteurs qui l’ont précédé, notamment deux auxquels il se rattache constamment, à savoir Edgar Allan Poe et Arthur Machen. Et au-delà de ça, une fois même qu’il a déjà commencé à développer et éprouver sa propre cosmogonie, il continue de l’enrichir en empruntant des éléments à d’autres auteurs. Si l’on prend l’exemple d’Hastur, l’un des piliers des Grands Anciens, cette entité semble apparaître pour la première fois (sous un jour sensiblement différent certes) sous la plume d’Ambrose Bierce, réutilisée ensuite par Robert Chambers dans ses écrits autour du Roi en Jaune, avant d’être adoptée par Lovecraft, et finalement consacrée par August Derleth.

Laissons là la multiplicité du Mythe que je présente, non pas les vraies bases, mais les bases que j’ai moi ressenties au fil de mes lectures, et accessoirement celles que je vais réutiliser dans le DR.

Commençons par la distinction la plus importante : les Dieux Extérieurs, les Grands Anciens, les Autres. Autant le dire tout de suite, les Grands Anciens et les Autres, c’est kif-kif. Il s’agit seulement d’une sorte de gradation de puissance, façon démons majeurs/démons mineurs, les Autres étant un peu plus matériels, et par là même un peu moins redoutables, que les Grands Anciens.

Toutes ces entités ont au moins ceci en commun que leur origine n’appartient pas au monde terrestre. Elles sont apparues dans une galaxie très très éloignée, tellement qu’on n’est même pas sûr que c’était une galaxie d’ailleurs. Les Dieux Extérieurs sont ceux qui possèdent ce qui s’apparente le plus à une volonté réfléchie, et au niveau de leur nature, ceux qui se rapprochent le plus de ce que sont les Dieux des mythologies terrestres. Les Grands Anciens sont plus des principes que des volontés, et est-il besoin de le préciser, des principes destructeurs.

Concrètement, disons que les Dieux Extérieurs avaient quelques idées de règles qu’il valait mieux suivre pour que l’univers tourne rond, règles dont les Grands Anciens se tamponnaient royalement. Et conséquence tout à fait saintseiyatesque, ils ont réglé leur divergence d’éthique en se foutant sur la gueule. Et les Grands Anciens se sont fait botter le cul en beauté. Donc ils se sont barrés vite fait et sont allés voir dans un autre coin de l’univers vérifier que les Dieux Extérieurs y étaient pas. C’est comme ça qu’ils se sont pointés sur la terre qu’ils ont annexée un moment (d’où le "Extérieurs" des Dieux Extérieurs, on désigne ainsi ceux qui n’ont pas vécu sur la terre). Voilà. Sauf que comme les Grands Anciens ont commencé à foutre la merde aussi chez nous (enfin nous on était encore loin d’être apparu en tant qu’espèce…), les Dieux Extérieurs qui avaient une vague notion des responsabilités ont convenu que c’était quand même pas très sympa de refiler à d’autres mondes les saloperies dont ils ne voulaient pas chez eux. Alors eux aussi se sont pointés sur terre juste pour le temps de la revanche, et deux-zéros, les Dieux Extérieurs ont collé une autre branlée aux Grands Anciens, terminant le boulot cette fois en les emprisonnant définitivement. Pas de bol pour nous, les prisons sont sur le dernier champ de bataille ou à proximité, c'est-à-dire sur terre.

Ça c’était pour la petite histoire. Allons voir plus précisément qui il y a dans chacun des camps. Des Dieux Extérieurs nous ne savons quasiment rien. Il en est toutefois au moins deux sur lesquels on possède quelques informations.

- Nodens, "le Seigneur du Grand Abîme". C’est derrière sa marque qu’ont été emprisonnés les Grands Anciens, et lui n’est pas reparti avec les siens, mais est resté du coté de Bételgeuse (géante rouge dans la constellation d’Orion), autant dire tout près, mais légèrement crevé et pas près de rejouer les redresseurs de torts.

- Bast. Pour reprendre un ton un peu moins frivole, il me faut ici préciser pour les non-initiés que Lovecraft accorde énormément d’importance au monde des rêves, auquel il donne autant de consistance qu’à celle d’une sorte de monde parallèle. Les Dieux Extérieurs et les Grands Anciens pouvant se manifester là-bas de façon bien plus forte et bien plus accessible. Et le Dieu Extérieur qui y possède une place toute particulière est Bast. Lovecraft adorait les chats, et il avait fait de cet animal un lien concret entre le monde réel et le monde des rêves. Les chats sont les enfants chéris de Bast, qui vous l’aurez sans doute deviné n’est autre que l’intégration au Mythe de la déesse égyptienne Bastet.

Du coté des Grands Anciens maintenant. Six d’entre eux se sont taillés une place importante dans le Mythe, auquel j’ajouterai un septième, qui s’il est apparu dans peu de nouvelles, s’intègre aux autres de façon intéressante.

- Azathoth, "le Chaos Idiot". Il apparaît comme une entité toute puissante, aussi bien créative que destructive, passant aussi bien de l’un à l’autre au gré de sa folie et de sa stupidité. Imaginez un très jeune enfant qui assemble des briques en plastique au hasard et qui prend autant de plaisir sinon plus à les défaire. Azathoth c’est ça à l’échelle de l’univers. Il est supposé demeurer au centre de l’infini, comprenez un endroit dont vous êtes infiniment éloigné quel que soit l’endroit de l’univers où vous vous trouvez. Ce qui était le minimum requis pour nous rassurer, car le Chaos Idiot ne rêvera pas deux fois à la vie, il ne peut à présent plus que la détruire, ce qui fait de lui la menace ultime.

- Nyarlathotep, "le Chaos Rampant". La filiation entre les deux "Chaos" est évidente, d’ailleurs les deux entités semblent être nées à peu près au même moment dans l’esprit de Lovecraft, et se sont différenciées au moment où il écrit son roman Démons et Merveilles. Nyarlathotep est supposé avoir un millier de formes, et être le messager (voir l’exécuteur de leur volonté commune de résurgence) des Grands Anciens, en particulier d’Azathoth dont il est parfois présenté comme le fils. Mais il tire surtout son succès que de toutes les entités imaginées par Lovecraft, il est la seule à endosser parfois une apparence humaine (autrement que dans des histoires d’hôtes ou de possession), et plus encore à étayer cette apparence par un comportement et une intelligence crédible pour un humain. Il est ainsi régulièrement représenté comme la source qui manipulera l’humanité pour qu’elle provoque elle-même sa chute.

- Yog-Sothoth, "le Tout en Un et le Un en Tout". Celui-là a été longtemps le favori de Lovecraft, avant d’être supplanté par Cthulhu. Hormis le coté destructeur qu’il partage avec les autres Grands Anciens, Yog-Sothoth est un principe spatiotemporel. Il est partout et nul part, tout le temps et jamais. Concept difficile à cerner avec exactitude et dont on peut faire à peu près tout et n’importe quoi. Ce qui est en revanche plus clair, c’est qu’il joue à l’égard des autres Grands Anciens le rôle de portail (hé oui miss Alaiya ^^). Yog-Sothoth lui-même est la clé et la porte par laquelle ils se précipiteront tous si jamais elle est ouverte, et si jamais ce jour arrive, ce sera comme si elle n’avait jamais été fermée.

- Cthulhu, "Celui qui mort attend en rêvant". Evidemment le plus connu des Grands Anciens. Sa popularité est sans doute due à son accessibilité. D’une part, il est sensé avoir été enfermé sur terre, enfin sous les océans, dans sa citadelle de R’lyeh engloutie du coté de Ponape (île micronésienne), ce qui lui confère une proximité inégalée par les autres entités. D’autre part, Lovecraft lui a donné la faculté de rêver, et d’atteindre les hommes par le biais de ces rêves. Son culte est donc de loin le plus actif de tous ceux des Grands Anciens.

- Hastur, "Celui qui ne doit pas être nommé". Lui a été enfermé dans le Lac d’Hali sur une étoile noire des Hyades (un amas d’étoiles la constellation du Taureau). Plus qu’un autre membre important de la cosmogonie des Grands Anciens, il est aussi celui par qui deux éléments intéressants ont été introduits. D’abord une illustration plus spontanée du paradoxe accessible/insaisissable des Grands Anciens, en utilisant le vent comme source de manifestation. Ensuite et surtout, avec l’apparition d’Hastur dans le Mythe arrivent aussi les premières oppositions entre Grands Anciens. Hastur est régulièrement présenté comme un rival direct de Cthulhu, ces deux entités cherchant aussi bien à se libérer qu’à empêcher l’autre d’y parvenir.

- Shub-Niggurath, "le Bouc au Mille Chevreaux". Encore un paradoxe sur pattes, en effet, c’est sans doute le Grand Ancien qui est le plus nommé toutes nouvelles confondues, et pourtant celui qu’on voit apparaître le plus rarement (si ce n’est jamais). Les deux intérêts majeurs de Shub-Niggurath en tant qu’élément d’une nouvelle, son premièrement la référence à la chèvre qui permet de le rattacher à toutes les histoires de sabbat ou autres rites démoniaques. Deuxièmement, par la multiplicité de l’apparition de son nom dans les invocations, et l’aspect mère nourricière qui lui est souvent attribué, il transporte le principe naissance-dégénérescence qui peut redonner vie à n’importe quel Grand Ancien.

- Cthugha, "le Dévoreur". A ma connaissance, celui-là n’apparaît dans aucun des écrits de Lovecraft. Je ne l’ai rencontré que dans ceux d’August Derleth mais il me parait suffisamment bien compléter le groupe des Grands Anciens pour que je l’intègre à ma fanfiction au même titre que les autres. Supposé enfermé sur Fomalhaut (étoile de la constellation du Poisson Austral), il est clairement associé au feu, complétant ainsi le lien de certains Grands Anciens avec les puissances élémentaires. Et de la même façon que Cthulhu s’oppose à Hastur, Derleth oppose Cthugha à Nyarlathotep.

Voila pour l’essentiel. Les Autres sont pléthore, de Yig "le Père des Serpents" à Ithaqua "le Marcheur du Vent" en passant par Tsathoggua "le Dieu-Crapaud", leur intérêt essentiel étant de varier les créature du Mythe, de montrer d’autres lieux terrifiants et d’autres ouvrages maudits. On trouve également dans différents écrits du Mythe des monstruosités qui auraient peuplé la terre à des époques plus ou moins reculées comme le Cambrien ou le Jurassique. Il s’agit d’avantage de peuples que d’entités semi divines. Certaines sont dites éteintes comme les choses mi-animales mi-végétales qui peuplèrent la cité des Montagnes Hallucinées en Antarctique, d’autres survivraient encore de nos jours dans des endroits reculés comme les Lloigors, et d’autres résolument extra-terrestres ne se manifestent que par la possession ou des échanges de personnalité comme la Grande Race. Ajoutez à cela quelques abjections supplémentaires comme les Shoggoths ou les Dholes, qui elles se rapprochent d’avantage de ce qu’on entend habituellement par monstre, et vous aurez un aperçu relativement complet de ce qu’est pour moi le Mythe des Grands Anciens…